La roue tourne ! Si vous demandez son âge à un enfant qui a à peine cinq ans et quelques jours, il va sans doute vous répondre : j’ai bientôt six ans. Mais cet enthousiasme ne durera pas : il vient un moment où l’anniversaire rappelle que la jeunesse est loin. Le passage inexorable du temps peut devenir une source d’angoisse.
Les laboratoires pharmaceutiques l’ont bien compris : le premier qui trouvera l’élixir, sinon d’une éternelle jeunesse du moins d’une jeunesse prolongée, fera fortune. Retournement : quel rapport y-a-t-il entre tout cela et Pâques ? C’est que nous avons mis la vie à l’envers ! Le sommet de la vie serait la jeunesse. Après l’âge de trente ans, on ne rêve que de revenir en arrière. Or la résurrection de Jésus nous appelle à regarder radicalement dans l’autre direction : elle ouvre la possibilité d’une vie, pleine et positive, de zéro jusqu’à 80 ans et au-delà pour les plus robustes. Jamais nous n’entendrons un auteur du Nouveau Testament pleurer ses vingt ans !
L’apôtre Paul ne pouvait s’exprimer plus clairement : « Ce n’est pas que j’aie déjà remporté le prix où que j’aie déjà atteint la perfection ; mais je poursuis ma course afin de saisir… oubliant ce qui est en arrière et tendant vers ce qui est en avant, je cours vers le but pour obtenir le prix de la vocation céleste de Dieu en Christ-Jésus ». Ainsi, le message de Pâques n’est pas seulement le rappel d’un événement historique. Certes il l’est, il ancre notre foi dans l’histoire, mais il est plus que cela. Le message de Pâques suscite en nous, comme il l’a fait chez l’apôtre, l’envie d’aller de l’avant.
Autrefois on croyait que le monde était plat. Celui qui, pris d’un esprit d’aventure, partait au loin risquait d’arriver au bout et de tomber dans le vide ! Heureusement il y a eu quelques courageux pour oser l’aventure. Quelle ne fut la surprise générale quand ils sont revenus ! Petit à petit il a fallu assimiler, avec les conséquences que cela comportait, le fait que le monde n’était pas plat mais rond.
La théorie du monde plat est abandonnée mais beaucoup promulguent encore la théorie de la « vie plate » : la vie d’un homme commence à la naissance et s’arrête à la mort. Comme les bords de la terre plate, la naissance et la mort limitent l’existence de l’être humain. Le culte de la jeunesse, l’exigence de la santé et le matérialisme ont tous une racine dans cette conception de la vie. Les disciples avaient eux-mêmes cette vision des choses. La mort de Jésus a brisé leurs rêves.
Certes, des femmes sont venues, excitées, annonçant que le tombeau était vide. Elles parlaient même de résurrection. Ils ne les ont pas crues. La vie est « plate », la mort est aussi définitive que radicale… C’est alors que Jésus s’est présenté au milieu d’eux ! Petit à petit il a fallu assimiler, avec les conséquences que cela comporte, le fait que la vie n’est pas plate : « Jésus est ressuscité ! » Les disciples sont partis annoncer cette nouvelle extraordinaire qui est parvenue jusqu’à nous.
L’homme ne vit plus dans un monde fermé où la mort met fin à tous ses espoirs. L’homme ne vit plus à l’échelle de 40 ans, ni même de 80 ans, il vit à l’échelle de l’éternité ! Alors, en avant !
« Ce n’est pas que j’aie déjà remporté le prix… mais je poursuis ma course afin de le saisir… oubliant ce qui est en arrière… je cours vers le but… » (Ph. 3, 12-14).